Expert en vedette

Expert en vedette : Max Blouw

Max Blouw est l’ancien recteur et vice-chancelier de l’Université Wilfrid Laurier. Il avait auparavant été vice-recteur à la recherche et professeur de biologie à l’Université du Nord de la Colombie-Britannique (UNBC). M. Blouw a entrepris sa carrière de biologiste à Winnipeg, au ministère des Pêches et des Océans. Il a par la suite enseigné la biologie à l’Université St. Francis Xavier, avant de se joindre à l’UNBC en 1995.

En 2005, M. Blouw a reçu le prix du Champion des sciences et de la technologie du Conseil de l’innovation de la Colombie-Britannique en reconnaissance de ses qualités de meneur dans ce secteur. En 2009, l’UNCB a rebaptisé en son honneur le Quesnel River Research Centre du nom de Max Blouw Quesnel River Research Centre.

Q: Vous avez présidé le comité d’experts sur l’état de la science et de la technologie et de la recherche-développement industrielle au Canada. Vous étiez également membre du comité responsable du rapport Éclairer les choix en matière de recherche : Indicateurs et décisions, publié en 2012. Et plus récemment, en janvier dernier, vous avez participé à l’atelier sur les expériences d’apprentissage offertes par les écoles de gestion au Canada. En quoi l’idée de faire partager bénévolement votre expertise au CAC vous a-t-elle plu, et ce, trois fois plutôt qu’une?

R: Je m’intéresse beaucoup aux questions importantes et ardues qui influencent notre recherche et notre interprétation des faits, et cette dimension sous-tend le travail de tous les comités d’experts du CAC. J’adore les choses complexes et essayer de comprendre les problèmes dynamiques et socialement pertinents. Mon espoir est que, grâce à ces travaux, nous serons en mesure, en tant que nation, d’aborder de manière plus intelligente les enjeux difficiles qui nous confrontent. Dans le cas du récent projet sur l’état de la science et de la technologie, je souhaite que les éléments probants que nous avons présentés suscitent une analyse en profondeur des options stratégiques que nous pourrions envisager pour créer de manière beaucoup plus efficace de la richesse à partir des formidables innovations canadiennes. L’évaluation sur les choix en matière de recherche visait à déterminer comment maximiser de façon constante les retombées durables qui peuvent être tirées des investissements importants que nous, en tant que nation, consacrons à la recherche-développement. Et au regard de l’atelier sur les écoles de gestion, quelle question plus importante ou plus stimulante que la suivante pourrions-nous nous poser : quels sont les moyens les plus percutants d’inciter nos étudiants à s’engager dans une vie d’apprentissage sur des sujets hautement applicables? S’il y avait des réponses simples à ces questions ou si elles n’avaient pas une incidence importante sur l’évolution de notre prospérité, je n’aurais probablement pas été aussi empressé d’offrir mes services. J’adore ce genre de travail et je suis en particulier reconnaissant de la chance que j’ai eue d’apprendre à connaître les personnes extrêmement talentueuses avec qui j’ai participé à des analyses et des débats et j’ai tenté de trouver réponse à ces questions. Ce travail n’est pas pour tous, mais pour moi, ce fut un privilège et un grand plaisir.

 Q: Au sujet de la plus récente évaluation que vous avez présidée, Rivaliser dans une économie mondiale axée sur l’innovation, quels seront selon vous les éléments les plus surprenants pour les gens qui liront le rapport et pourquoi pensez-vous que ce sera le cas? 

R: À mon avis, les gens seront surpris par la discontinuité qu’on peut remarquer entre, d’une part, les engagements chancelants que notre pays prend pour soutenir les bases d’une économie de l’innovation et, d’autre part, la prospérité dont nous continuons de profiter. Je pense que cette discontinuité résulte de notre incapacité à comprendre qu’il existe un décalage important entre les mesures que nous prenons en matière de recherche, de développement et d’innovation et les conséquences de ces mesures. Nous bénéficions aujourd’hui des retombées d’investissements qui ont été faits, dans certains cas, il y a plusieurs décennies. Notre stratégie actuelle, qui repose sur des investissements décroissants et non concurrentiels, particulièrement dans le cas des entreprises, laisse supposer que notre avenir sera moins prospère que notre présent ou notre passé récent, à moins que nous changions rapidement de cap.

 Q: Ce rapport explique en détail comment le taux d’investissement stable ou décroissant des secteurs gouvernemental et privé au cours de la dernière décennie menace d’affaiblir la capacité future du pays de produire des recherches de grande qualité. Qu’est-ce que cela signifie en pratique pour les Canadiens?

R: Ce constat ramène au point que j’ai soulevé en réponse à la question précédente. Le Canada doit rivaliser au sein d’une économie mondiale où le talent, les idées, la propriété intellectuelle, la technologie ainsi que les moyens de pointe utilisés pour produire (robotique, IA, informatique quantique, etc.) et faire des affaires (technologie financière, données massives, etc.) sont devenus essentiels à la prospérité du pays. Ce monde est bien différent de celui que nous avons connu jusqu’ici, où nos ressources naturelles et nos activités d’affaires traditionnelles nous avaient permis de prospérer. Nous courons maintenant le risque d’être distancés. Le cas échéant, la conséquence pour les Canadiens sera de se retrouver avec un niveau de vie inférieur à celui de plusieurs autres nations, ce qui représentera un changement par rapport à ce qu’ils ont connu pendant de nombreuses décennies.

Q: Une des principales constatations du rapport est que les obstacles qui se posent entre l’innovation et la création de richesse sont plus importants que ceux qui se posent entre la R-D et l’innovation. Pourquoi est-ce si difficile pour le Canada de traduire l’innovation en création de richesse?

R: Il s’agit d’une question épineuse, à laquelle il n’y a pas de réponse simple et intuitive. Les membres du comité d’experts et moi-même en avons débattu longuement et nous avons énoncé dans le rapport que cette incapacité relève d’une combinaison de facteurs. Il est notamment évident que les conditions qui permettent de commercialiser les innovations sont moins favorables au Canada qu’ailleurs et souvent, nos jeunes entreprises prometteuses et leurs gens de talent quittent le pays. Pourquoi? Sans doute parce que le marché pour les nouveaux produits et procédés est plus petit au Canada qu’ailleurs. Notre environnement touchant la propriété intellectuelle pourrait être amélioré, tout comme notre façon d’imposer les entreprises à forte croissance. Nous devons éduquer et attirer des chefs d’entreprises expérimentés et talentueux qui sauront faire prendre à nos entreprises une envergure internationale. D’autres facteurs jouent sans doute aussi un rôle très important. Cette question mérite amplement une étude plus détaillée. En plus de nous appuyer sur des données empiriques, il sera également important de bien comprendre les éclairages que peuvent apporter les chefs d’entreprises qui ont réussi et ceux qui ont échoué afin que nous puissions favoriser le déploiement et la réussite de nos entreprises à l’échelle mondiale.

Q: En 2016, Innovation, Sciences et Développement économique Canada (ISDE) a demandé au CAC de réaliser cette évaluation. À part ISDE, qui trouvera ce rapport utile, selon vous?

R: Traduire en prospérité la recherche et l’innovation est important pour notre société comme pour le reste du monde. J’espère par conséquent que les données que nous avons colligées rendront service à un éventail de différents auditoires. Les décideurs politiques associés aux autres ministères fédéraux, aux gouvernements provinciaux, aux autres ordres de gouvernement et aux services publics étrangers pourront à l’évidence trouver utiles certains éclairages et plusieurs éléments probants. De même, les membres de notre milieu des affaires, de notre communauté universitaire et de nos centres d’études et de recherche, les groupes de revendication, les analystes ainsi que les commentateurs pourront lui trouver une certaine utilité. Ce qui est peut-être l’élément le plus important, à mon avis, c’est que ce rapport fait partie d’une série d’évaluations du CAC qui, collectivement, nous permettront de beaucoup mieux comprendre les tendances temporelles, le contexte international et les réalités dynamiques et en rapide évolution des mondes de la recherche, du développement et de l’innovation qui ont une incidence sur notre prospérité nationale. Il est d’une importance capitale, selon moi, de poursuivre ce travail afin que nous puissions nous positionner de manière plus intelligente et avantageuse dans le marché mondial de la propriété intellectuelle, du talent et de la compétitivité.

Q: Avez-vous d’autres projets ou plans en vue maintenant que ce rapport a été publié et que votre mission de président s’achève?

R: Oui, je suis devenu membre du conseil d’administration d’une société mutuelle d’assurances de taille moyenne (Gore Mutual) et je soutiens une petite entreprise technologique basée à Ottawa qui cherche à prendre de l’expansion. Ces expériences d’affaires directes et pratiques sont réellement stimulantes. Le secteur des assurances est en pleine évolution pour répondre aux rapides changements technologiques et réglementaires qui sont en cours et à plusieurs autres facteurs, notamment les changements climatiques (incendies, inondations, vents). Travailler au développement d’une petite entreprise dynamique qui propose un produit formidable, mais qui dispose de peu de moyens financiers et de ressources humaines, est exigeant et constitue un défi majeur. Mes fonctions antérieures d’enseignant, de chercheur et d’administrateur universitaire m’ont bien préparé à assumer ces nouveaux rôles ― plusieurs de ces compétences sont très pertinentes et transférables. Ce travail a également enrichi mon point de vue et mes connaissances sur les sujets traités dans ce rapport et la synergie que j’en tire est la bienvenue. Je ne songe toujours pas à la retraite et je pense pouvoir la tenir à bonne distance pendant quelque temps encore.