Expert en vedette

Expert en vedette : Mary R. Brooks

Mary R. Brooks est une spécialiste renommée du transport qui s’intéresse vivement à la gestion de la chaîne d’approvisionnement mondiale et qui nourrit depuis toujours une passion pour le milieu du transport maritime et des ports. En 2015, Mme Brooks a accepté le poste de présidente du comité d’experts du Conseil des académies canadiennes sur la valeur sociale et économique du transport maritime au Canada. Elle a aussi fait partie du comité directeur du CAC sur les risques liés au transport maritime dans les eaux canadiennes. Comme si cela ne suffisait pas, Mary Brooks est entre autres professeure émérite à la Faculté de gestion de l’Université Dalhousie, rédactrice de la revueResearch in Transportation Business and Management (Elsevier) et vice-présidente du Bureau maritime (Marine Board) des National Academies des États-Unis.

Q : Le CAC est heureux que vous ayez accepté de présider son comité d’experts sur la valeur sociale et économique du transport maritime au Canada et de participer au comité directeur de son atelier sur les risques liés au transport maritime. Quels aspects vous ont motivée à travailler bénévolement pour le CAC?

A : C’était un honneur pour moi d’avoir été invitée à présider ce comité. Le Conseil des académies canadiennes jouit d’une très grande considération au sein du milieu canadien de la recherche et produit des recherches solides qui répondent aux normes internationales. On m’avait précédemment demandé de participer au comité directeur de l’atelier sur les risques liés au transport maritime dans les eaux canadiennes et je me suis rendu compte que les travaux en question auraient un fondement scientifique et que seules des conclusions basées sur des données probantes en seraient tirées. Le processus d’examen par des pairs constitue un élément important de la recherche universitaire et j’ai donc été très à l’aise d’accepter ce rôle de présidente.

Q : En tant que présidente du comité d’experts sur la valeur sociale et économique du transport maritime dans les eaux canadiennes, quelle serait selon vous l’utilité des évaluations fondées sur des données probantes?

A : Il est très important pour moi que les recherches auxquelles je participe ou que je soutiens ne s’appuient pas sur des opinions, mais plutôt sur un processus scientifique et sur des méthodologies soigneusement examinées et choisies en fonction des objectifs visés et que les constats qui en sont tirés soient les mêmes que ceux que d’autres experts auraient faits en ayant sous la main les mêmes données.

Q : Auriez-vous des réflexions dont vous voudriez nous faire part sur le processus des comités d’experts?

A : Le processus des comités d’experts utilisé pour éclairer les politiques publiques m’est familier. Je suis en ce moment vice-présidente du Marine Board des National Academies des États-Unis, dont le rôle le plus important est de trouver des commanditaires et l’expertise nécessaire pour faire en sorte que la science se rapportant au transport maritime et aux activités portuaires s’appuie sur une méthodologie solide et qu’elle soit assujettie à un processus rigoureux d’examen par des pairs. Le processus des comités d’experts du Conseil des académies canadiennes est similaire et vise à examiner les enjeux complexes qui se posent au Canada en faisant appel aux meilleures données scientifiques, afin d’éclairer les citoyens et de soutenir le processus décisionnel politique.

Q : Vous avez eu une carrière intéressante et impressionnante en enseignement et en recherche sur le transport et la gestion de la chaîne d’approvisionnement mondiale. Pourquoi ce domaine vous a-t-il séduite?

A : Pour être franche, dans les années 1970, mon expérience était que les femmes n’étaient pas particulièrement bienvenues dans plusieurs domaines d’affaires et mon diplôme de maîtrise en commerce international et en finance ne m’a pas ouvert les portes comme je l’avais espéré. Je ne réussissais pas à trouver un emploi dans mon domaine, alors je me suis tournée vers la profession de conseil et j’ai été ravie lorsque mon ancien professeur et mentor, Sir Graham Day, m’a déniché un client qui voulait faire examiner une recherche sur le transport qu’il estimait être imparfaite. Comme j’avais suivi un cours universitaire en transport, j’ai aussi été engagée par le professeur Day pour contribuer à une étude sur le trafic conteneurisé dans trois ports canadiens. Personne n’avait répertorié ce qui était importé ou exporté par conteneur à cette époque. Au terme de ces deux projets, j’étais mordue, j’avais un sujet de doctorat qui me passionnait et une carrière universitaire s’ouvrait à moi. On pourrait donc dire que j’y suis arrivée de façon indirecte, mais que j’ai par la suite pleinement adopté ce changement d’orientation.

Q : Pourriez-vous nous faire partager un ou deux faits saillants de votre carrière?

A : Je ne peux me résoudre à n’en choisir qu’un seul ou deux. Il me semble que chaque fois que je crois que j’ai atteint un sommet, un autre se pointe à l’horizon. C’est un peu comme gravir une montagne; vous savez que vous vous dirigez vers le sommet et vous imaginez qu’il n’est pas loin, mais chaque fois que vous franchissez une autre étape en chemin, il vous semble que vous n’êtes pas vraiment plus proche du but, même si vous savez que vous avez progressé. J’étais heureuse d’avoir obtenu une bourse Fulbright en 2005, d’être choisie meilleure professeure par mes étudiants la même année et d’avoir été nommée parmi les 100 femmes les plus influentes au Canada en 2006. S’agissait-il d’un sommet? J’ai par la suite été invitée par le Forum international sur le transport de l’OCDE à présider deux de ses comités d’experts, un sur la concurrence entre les ports et les liaisons terrestres avec l’arrière-pays, à Paris, en 2008, et un autre sur l’investissement dans les ports et les marchés du transport maritime conteneurisé, à Santiago, en 2013. J’ai aussi été ravie d’avoir l’occasion de travailler comme rapporteuse pour le Conseil ministériel de l’OCDE sur le transport, à Leipzig, en 2009. Je sens tout de même que d’autres défis m’attendent encore après mon travail au Marine Board et au CAC.

Q : Comme vous lisez probablement beaucoup de documents sur l’évaluation du transport maritime, je me demandais s’il vous arrivait de lire autre chose tout simplement par plaisir et pourquoi?

A : Je lis très peu d’ouvrages non romanesques, sauf pour le travail. J’aime deux types de romans — les romans à mystère et les romans historiques. Les romans à mystère sont une pure évasion; je lis actuellement The Girl on the Train, de Paula Hawkins, et je suis incapable de le déposer. J’ai toujours été une accro des voyages et les romans historiques m’offrent une façon différente de percevoir le monde; le meilleur titre de ce genre que j’ai lu cette année est All the Light We Cannot See, d’Anthony Doerr.

Q : Y a-t-il autre chose que vous souhaiteriez ajouter que je n’ai pas abordé?

A : La recherche canadienne sur les politiques publiques se trouve actuellement à la croisée des chemins. La plupart des secteurs scientifiques au Canada ont vu leur financement coupé et plusieurs chercheurs se sont retrouvés dans la situation de devoir « publier ou périr », laquelle récompense davantage la quantité que la qualité. Le plagiat dans les publications sérieuses est à la hausse et certains secteurs scientifiques subissent l’interférence des milieux de la politique et des affaires. J’estime par conséquent qu’il est impératif de lutter contre ces tendances en faisant en sorte que les bonnes questions soient posées et de soutenir la recherche de qualité comme celle que mène le CAC.